Un mix énergétique avec plus d’ENR, quelle part de renouvelable ? Quel objectif de sobriété énergétique ? La loi de Programmation Pluriannuelle de l’Energie doit répondre à ses questions stratégiques, mais le gouvernement n’a toujours pas tranché. Décryptage !
Rappel des enjeux de décarbonation
La Stratégie Nationale Bas Carbone 3
La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) constitue la feuille de route française vers la neutralité carbone à horizon 2050.
Elle date de la loi de 2015 et constitue le cadre d’action de la France en matière d’atténuation du changement climatique.
Cette stratégie comprend :
- un objectif de long terme, la neutralité carbone en 2050 avec des réductions des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) dans tous les secteurs d’activité (transport, agriculture, bâtiment, industrie…).
- des plafonds d’émissions de gaz à effet de serre à ne pas dépasser par périodes de 5 ans, dits budgets carbone.
La loi prévoit la révision de la SNBC tous les cinq ans.
La SNBC 2, encore en vigueur, a été adoptée par décret en avril 2020.
La version 3, toujours en attente de publication par le gouvernement, rehausse les objectifs de la France en s’inscrivant dans ceux de l’Union Européenne (paquet législatif « Fit for 55 ») :
- réduction des émissions de l’UE de 55% en 2030 par rapport à 1990
- soit une réduction pour la France de 5 % chaque année en moyenne entre 2022 et 2030, contre 2 % de réduction annuelle en moyenne de 2017 à 2022.
Après une diminution de 5,8% en 2023, le rythme ralentit d’après le dernier rapport du Citepa : -1,8% seulement en 2024 (chiffres encore provisoires).
Focus sur le secteur du bâtiment
Le secteur, résidentiel et tertiaire compris, constitue un secteur stratégique : le plus énergivore avec 44% de la consommation d’énergie finale française.
L’objectif pour ce secteur dans le SNBC est de réduire drastiquement ses émissions de GES de 95% d’ici 2050. Où en est-on ? D’après les derniers chiffres du Citepa, le secteur a atteint en 2024 son plus bas niveau d’émissions depuis 1990 (57Mt CO2e) mais il stagne : -0,7% sur 2024 par rapport à 2023!
Raisons avancées : une baisse du nombre de rénovations énergétiques & une faible hausse des prix de l’énergie limitant le signal prix.
Dans le secteur tertiaire, la réglementation pourtant se renforce avec l’entrée en vigueur depuis janvier de la 1e échéance du Décret BACS et la parution cette année des premières notes Eco Energie Tertiaire sur la plateforme OPERAT de l’Ademe.
Quel mix énergétique en 2030 et en 2050 ?
La SNBC et ses objectifs de réduction des GES constituent le volet consommation de la politique énergétique de la France. Le volet production du mix énergétique dépend lui de la loi de Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) retardée par le contexte politique actuelle
2 ans de retard pour la PPE
Créée par la loi du 17 aout 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est un outil de pilotage stratégique de la politique énergétique de la France.
Chaque PPE porte sur deux périodes successives de cinq ans. Cette troisième PPE est établie pour la période 2025-2035. Comme les précédentes, elle sera revue à mi-parcours, en 2030.
La PPE 3 prévoit de décarboner fortement notre économie : passer en 2022 de 60% d’énergies fossiles dans notre mix énergétique à 0% d’ici 2050.
Des objectifs macro qui cachent le détail crucial du mix énergétique : Quelle part de renouvelable ? de nucléaire ? Quel objectif de sobriété énergétique ?
Le débat est vif chez les parlementaires : le sénateur LR Daniel Gremillet avait déposé une proposition de loi "portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie". Adoptée au Sénat, elle ambitionnait de clarifier le mix énergétique :
- 560 TWh d’électricité décarbonée d’ici 2030 dont 200TWh au moins issus de sources renouvelables
- 27 GW de nouvelle capacité nucléaire installée d’ici 2050 avec 14 nouveaux EPR2 & 15 SMR (petits réacteurs)
Mais à l’Assemblée nationale, la proposition de loi a été détricotée, notamment par un amendement voté par la droite et l’extrême droite : il instaurait un moratoire sur tout nouveau projet éolien ou solaire ! Un texte finalement rejeté à une large majorité le 24 juin.
Le gouvernement de son côté préfère passer par un décret, « d’ici la rentrée », selon les récentes déclarations du ministre de l’industrie et de l’énergie. Donc avec 2 ans de retard.
Consommer moins et surtout consommer mieux
Une certitude : la PPE 3 va acter l’électrification des usages encouragée par la réglementation :
- Chauffage décarboné avec les pompes à chaleur
- Développement des véhicules électriques
- Décarbonation des industries très intensives en énergie
L’enjeu pour l’avenir est donc de consommer moins d’énergie fossile et surtout mieux l’électricité pour assurer l’équilibre du réseau. Le développement du photovoltaïque en toiture (loi APER de 2023) et des bornes de recharge de véhicules (loi LOM) offrent des synergies stratégiques pour flexibiliser nos usages électriques.
La flexibilité, c’est la capacité d’un bâtiment à moduler sa demande et sa production d’énergie selon les pics de demandes sur le réseau (et donc à éviter les heures de pointe). Il y a trois leviers à activer :
- effacement
- décalage
- modulation
Et cela sur plusieurs usages comme l’éclairage non critique, la ventilation, le chauffage/climatisation, les IRVE (infrastructures de recharge pour véhicules électriques), ou encore certains équipements bureautiques ou industriels.
Cette étude repose sur l’analyse des données de consommation, via la GTB ou des capteurs, et sur une modélisation du potentiel de décalage des usages. Objectif : construire une stratégie de pilotage cohérente pour maximiser l’autoconsommation.